Cultivons la curiosité
Oh là, donc, et bien voilà tout simplement le premier livre que j'ai lu de Stephen King, ça doit bien faire une vingtaine d'années quoi. Donc déjà, c'est un livre à ma maman, et la couverture n'a pas résisté aux affres du temps, d'où l'absence de celle ci. Ensuite, il parût en 1981 aux USA, genre je n'étais même pas né, dingue quand même. Stephen King est déjà bien connu et je pense n'est pas loin d'avoir le titre de maître de l'horreur. Le principe du résident du Maine est simple, il prend une situation normale, dans une petite ville classique, fait se produire un événement tragique tout en détaillant le truc. Il fait de l'horreur ordinaire je dirai, tout en y ajoutant une touche de paranormal, ou de surnaturel par moment (ici, le monstre du placard).
Donc Castle Rock, petite ville paisible du Maine, l'été qui va s'abattre sur cette ville va exploser des records de chaleur. Chez les Camber, le garagistes du coin (qui se sert d'une grange comme garage en fait), Cujo est un Saint Bernard massif, impressionnant mais hyper gentil. C'est en chassant un connard de lièvre que le chien va s'aventurer dans une tout petite grotte pleine de chauve-souris, celles ci lui lacéreront la truffe, lui offrant par ailleurs un gentil petit virus connu sous le nom de rage. Dès lors un enchaînement plausible mais complètement dingue (oui, je dis tout et son contraire, j'avoue) vont emmener une jeune mère de famille, Donna Trenton, et son fils Tad, à affronter le siège du chien fou dans une voiture faisant office de serre et refusant de démarrer. Là je résume hyper vite en fait, car c'est une fois la moitié, voir un peu plus, du livre que l'affrontement s'engage.
Stephen King met en place son histoire, on y découvre Vic et Donna Trenton, luttant contre le monstre du placard de Tad, mais aussi luttant contre l'éventuelle faillite de la boîte de communication du patriarche, en effet, l'idée brillante du professeur disant aux enfants « il n'y a rien qui soit mauvais pour vous là dedans » pour vendre des céréales Sharp a tellement bien fonctionné, que quand un colorant donne des maux de ventre et l'illusion que les enfants saignent de l'intérieur, c'est Ad Works, la petite boîte de Vic qui est mise en cause, même si ils n'y sont pour rien.
Mais il n'y a pas que cela, vu que les Camber, dont le père est bourru et violent, voient la mère de famille gagner à la loterie, et de suite elle pense qu'à une chose, aller voir sa sœur loin, histoire de sortir Brett, son fils, de cette vision un peu bizarre de la vie (il voue un culte à son père qui effraie sa mère), du coup on assiste à la mise en chantier d'un plan pour que Joe accepte la petite escapade de Charity et leur fils.
La force d'un livre est d'offrir les sentiments au lecteur, ainsi nous voyons tout le doute de Charity, sa peur de Joe, sa volonté, sa force, d'y arriver. Mais l'originalité, c'est bien ce point de vu de Cujo, qui commence à se sentir mal, et dont on verra pourquoi il s'en prend à la Pinto des Trenton, pourquoi il est aussi violent. En fait, on ne juge personne du coup, et parvenons à ressentir de l'empathie pour tous ces personnages, même pour Kent, l'amant colérique, on arrive à comprendre ses réactions (sans pour autant approuver ses actes).
En fait, ici, l'horreur, si l'on omet les attaques de Cujo sur le voisinage, c'est la lente descente en enfer dans la Pinto surchauffée de Donna et Tad. Les crises d'épilepsies du jeune Trenton, le début de déshydratation des passagers du véhicule, la volonté d'agir, oui, mais si Donna meurt comment sauver Tad ? Il y a aussi ce timing, avec des détails comme « si elle avait ouvert la porte 1 seconde plus tôt elle serait morte », ce sens de la découpe, entre Vic qui part plaider la cause de Ad Works à New York au siège de Sharp, Charity et Brett qui sont chez Holly, la tante du fils Camber, un peu Kent aussi, qui a semé la zizanie dans le couple Trenton, et plus tard, les enquêteurs, avec un chef particulièrement imbu de sa personne « oui mais ce n'était pas SON idée », bref, on alterne efficacement entre tous ces personnages, dont les destins sont liés et provoquent cette horreur dans la cour des Camber.
Stephen King s'amuse dans les détails, niveau timing notamment, mais aussi il joue avec le lecteur qui se demande comment Donna va sauver sa famille de cette fournaise. Le coup du facteur pétomane par exemple, le sauveur comique qui finalement ne sauvera rien parce que Joe a eu la bonne idée d'avertir la poste locale de ses vacances. Le pire étant que le long des 350 pages du livre, on constate que quoi, 1 semaine s'écoule à peu près (même si l'épilogue s'aventure plus loin dans l'année), une maîtrise narrative impressionnante donc.
Bon, après, et c'est souvent pour cela qu'on l'aime, si on lit un King, c'est pour faire des « beurk » dans le détail ensanglanté des attaques du chien, et oui, de scènes beurk, il y en a, elles ne sont pas hyper détaillées, donc ne provoqueront pas la nausée, mais suffisamment dégueulasses pour que les fans de l'auteur s'y retrouve. Le coup des intestins étant la partie réellement tripante si j'ose dire. Le détail dans l'odeur du chien et les trucs qui dégoulinent de sa gueule aussi, enfin bon, j'ai commencé par ce livre et ne le regrette pas.
En fait, je pourrai en dire plus, mais j'ai bien peur de spoiler, donc on évite, avec une fin, nope, je ne spoilerai pas, bref, avec sa mise en place des personnages agréable, car ni trop longue ni trop courte, son action horrifique présente elle aussi ce qu'il faut, c'est plus sur le côté psychologique que l'on morfle, même si les détails sales sont bien présents, l'auteur joue avec le lecteur en repoussant la libération des Trenton, et nous explique comment une telle chose peut arriver, avec une accumulation de petit détail (si Charity ne gagne pas à la loterie, il n'y a pas de livre, idem si le colorant n'avait pas provoqué une telle frayeur), et justement c'est ce qui est passionnant, un livre à lire, et qui fonctionne encore bien aujourd'hui, j'adore.
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